Comment parler du Black Friday quand on est blogueuse écolo ?
Pendant plus de 3 ans, j’ai opté pour la sensibilisation sur l’impact écologique de cette journée. J’ai expliqué les chiffres, l’impact social désastreux, donner des exemples… J’ai entendu ceux qui ne peuvent acheter sans promo en trouvant de solutions alternatives, en communiquant sur le mouvement du Green Friday.
Mais rien a changé. Depuis des semaines, ma boîte mail déborde de promotions. Et ma boîte pro de demandes de partenariats pour parler d’initiatives plus vertueuses de certaines marques. Certaines marques proposent ainsi un partenariat, rémunéré, pour appeler à déconnecter en cette journée et à parler de leur initiative de déconnection.
Le paradoxe m’a frappé. Parler d’écologie, de minimalisme, de décroissance, d’urgence…et être payé pour vanter une image positive d’une marque qui s’affiche anti-black friday ? Et communiquant sur les opérations positives de plusieurs marques, codes promo assortis ? Si je salue ses initiatives, j’ai fait une overdose.
Comment parler de tout ça en restant dans mon moule d’influenceuse rémunérée. La surconsommation et plus globalement notre modèle économique, sont un fléau pour notre planète et notre avenir. Il ne sera plus question de black friday et de code promo quand on sera dans une telle urgence que la question principale sera notre survie dans un monde irrespirable.
Sauf que je fais partie du problème.
Le modèle économique qu’on m’impose est celui de l’influenceur. Parce que mon travail est accessible gratuitement, je dois trouver ma rémunération ailleurs.
Garder le modèle des débuts des blogs en travaillant simplement à côté ? Déjà fait et clairement, depuis 10 ans, notre rapport aux contenus web à changer. Je ne pourrais plus suivre le rythme demandé en travaillant à temps plein à côté. Et si je diminue le rythme, je perds de la visibilité mais aussi une grande partie de ce qui me passionne.
Trouver un complément proche de mon activité ? Beaucoup de blogueurs ou d’influenceurs exercent à côté des activités de community manager, rédacteur web, etc. D’une part, ce n’est pas vraiment une activité qui m’attire (et dont j’ai les compétences) mais d’autre part, on reste dans le même moule de « travail pour promouvoir une marque ». Aussi green soit-elle. C’est une activité à part entière du marketing et de la communication. Et c’est pas vraiment mon domaine de prédilection…
C’est aussi pour ça que j’ai choisi une autre voie, celle de l’entreprenariat, avec Òrt Magazine, mais on en reparlera. Et aussi pour ça que j’écris des livres ou des articles pour la presse.
Le modèle économique de base est donc qu‘une grande partie de ma rémunération devrait provenir des marques et de leurs partenariats. Et encore, c’est en partant du principe que toutes les marques ont compris qu’il fallait rémunérer les partenariats. Sinon, il n’y a même plus d’intérêt économique mais on reste au cœur du problème : recevoir des produits pour vous en parler ensuite.
Bon en vrai, vous le savez, je ne gagne pas ma vie avec les partenariats. En 2019, j’en aurais fait 6 au total qui ont été rémunérés. Mais à cela s’ajouter les produits reçus ou les concours organisés gracieusement pour vous. Je n’ai pas de soucis « éthique » avec ça. Tout ce que je vous montre me tient à coeur, répond à un autre modèle de consommation et toujours pour des entreprises que j’ai plaisir à mettre en avant (la preuve, je le fais encore gratuitement la grande majorité du temps…).
Il n’empêche qu’un an après ma reconversion, je ne peux pas m’en passer totalement. Mes droits d’auteur et ma rémunération de chroniqueuse ne me permet pas d’avoir un salaire (même le smic hein…). Je dois donc ouvrir un peu de mon « influence » à de la publicité pour certaines marques qui n’ont d’autre objectif final que celui de vendre.
Et est-ce que c’est horrible de vouloir vendre ? En soi non, c’est le modèle économique de toutes les entreprises : vendre pour faire des profits, se rémunérer et réinvestir. Et quand c’est orienté sur des marques qui prônent une consommation responsable, de l’éthique, etc., c’est évidemment beaucoup mieux.
Mais ça c’est le job des marques et un peu leur propre problème de conscience. Sauf que moi j’arrive comme une interface entre leur volonté de vendre et vous, consommateur. Et comme je vous le disais ici, je n’ai pas envie d’être une régie publicitaire. Mais qu’il est dur de faire autrement sans tomber dans l’insécurité financière…
Alors, cette année, j’en ai eu marre. Je n’ai pas envie de parler pendant 3 heures du problème du black friday. Je l’ai déjà fait, je doute franchement de l’impact de mes mots. Je n’ai pas envie de partager la communication d’autres marques autour du green friday ou autre mouvement plus engagé. Ce n’est pas mon job de faire leur communication. Je salue leurs initiatives mais je ne veux participer à parler encore de consommation, de marques, de produits…en ce jour si noir pour l’écologie.
Je suis une partie du problème et je n’ai pas encore vraiment de solution. J’y travaille.
En attendant, aujourd’hui, j’enlève ma casquette de « blogueuse/influenceuse », je ne viendrais pas ici, ni sur mes réseaux. Je ne parlerais d’aucune marque, aucune initiative. Libre aux marques de communiquer au mieux sur leurs initiatives. Libre à vous de faire vos choix de consommation en fonction de vos envies, vos finances et vos besoins.
Et moi, j’en profiterais pour réfléchir à 2020, à comment gagner ma vie sans dépendre des marques, à l’impact négatif de mon activité mais aussi à ses aspects positifs. De chouettes concours arrivent pour vous en décembre mais je pense que 2020 nécessitera une pause des partenariats ou alors un angle d’attaque un peu différent.
Merci pour ce message et cette sincérité. J’aime ton idée finale : et si on transformait le Black Friday en une journée de réflexion sur la nouvelle année qui approche à grand pas ? Et si on éteignait tout, juste quelques heures ? Et si on prenait – enfin – le temps ?
Merci Claire pour cet article sur le Black Friday! Je te rejoins tout à fait quand tu parles des problèmes relatifs au modèle économique. Difficile de comprendre que beaucoup soient concernés et inquiets au sujet du réchauffement climatique et que dans le même temps on enregistre un record historique de transactions bancaires avec le Black Friday.