C’est après la lecture d’un article du magazine Flow du mois de mars que j’ai eu envie de vous parlez du doute.
Le sentiment de doute est une question qui m’intéresse depuis longtemps. Pourquoi certaines personnes doutent plus que d’autres ? Qu’est-ce qui fait que l’on doute ? Est-ce que c’est forcément un sentiment négatif ? Comment on y échappe ?
L’article du Flow est très intéressant pour mettre en perspective ce sentiment de doute et comprendre comment le transformer en sentiment positif.
On connait tous des périodes de doute : suis-je assez qualifié ? est-ce la bonne décision ? suis-je bien placé pour répondre ? etc. A première vue, pour moi, le doute est assez lié à l’estime de soi. On doute surtout parce qu’on estime ne pas avoir assez de compétences, de légitimé, de connaissances ou autre.
C’est pour ça que j’ai toujours pensé que le doute était majoritairement féminin. Entendons-nous, bien évidemment, il y a des femmes qui ne doutent pas et des hommes qui doutent. Mais j’ai souvent remarqué que le doute se manifestait plus facilement chez une femme, comme une conséquence de nos sociétés inégalitaires : on est encore très largement façonnée culturellement à nous croire inférieures, moins compétentes, moins légitimes sur certains sujets ou dans certains domaines.
Je ne compte pas faire un plaidoyer féministe, il s’agit de données sociologiques que l’on connaît déjà. Il suffit par exemple de regarder certains chiffres qui montrent une inégalité frappante entre les hommes et les femmes. Le manque de femmes dans les sciences exactes ou de la même façon dans des postes à hautes responsabilités ne s’explique pas par leurs moindres compétences (ou réussites) mais plutôt par le fait qu’on s’estime nous-même moins capables, moins légitimes. C’est typiquement le cas de la négociation salariale : les différences hommes/femmes ne s’expliquent pas toujours par une discrimination volontaire mais aussi par un comportement « féminin » que l’on a du mal à évaluer : les femmes ont moins tendance que les hommes à demander spontanément des augmentations salariales et même à l’embauche, les femmes ont des prétention de rémunérations souvent légèrement inférieures à celle des hommes.
En quelques mots, le doute lié aux questions de légitimité se retrouve plus facilement chez les femmes, déjà prédisposées à remettre en question leur légitimité. Les causes sont multiples et cela prendrait trop de temps dans cet article de les détailler mais juste une « anecdote » : les comportements hommes/femmes résultent d’une construction qui commence dès le plus jeune âge. Apprendre à un petit garçon à être fort et intelligent, et à une petite fille à être belle et douce, c’est déjà construire leur rapport au monde.
Bref, pour moi, le doute est une manifestation de cette inégalité homme-femme dans laquelle on évolue et j’ai largement pu observer que ce n’était pas le cas chez mes homologues masculins. J’évolue dans un monde plutôt intellectuels, de gens qualifiés et cultivés (hommes et femmes confondus). J’ai le même diplôme que la plupart de mes amis proches. Pourtant, je manifeste bien plus souvent, ou en tout cas plus visiblement, mes doutes : doute à participer à une discussion politique ou juridique, doute à demander des conseils ou à faire fonctionner mon réseau professionnel si besoin, doute sur la légitimité de mes projets ou de mes articles… Et j’ai déjà observé que j’avais bien plus de réticences à me mettre en avant que d’autres hommes, à compétence égale.
En me questionnant sur l’origine de ces périodes de doutes et sur le pourquoi mes homologues masculins ne montraient pas la même propension à douter, j’en reviens toujours au sentiment de « sous-estime » assez classique : peur de dire des bêtises, peur de passer pour quelqu’un d’inculte ou de peu cultivé, etc. Pourtant à première vue, c’est un peu stupide. D’un point de vue objectif, mes qualifications ou ma culture générale ne justifient pas tels doutes.
Alors, le doute, est-ce que c’est typiquement féminin? L’article du Flow répond par la négative, les hommes doutent tout autant que les femmes mais l’expriment différemment. Je n’ai pas encore assez réfléchi à la question mais c’est peut être une piste. Quand moi je doute sur ma légitimité à un poste, la conséquence est que je ne postule pas. Quand un homologue masculin doute de la même manière, sa réponse à lui est justement de postuler pour « forcer » son doute à s’effacer.
Pour traduire, moi je me dis « olala c’est pas possible, je suis pas assez compétente, j’y vais pas » ; lui se dit « olala c’est pas possible, est-ce que je suis assez compétent..bon tant pis j’y vais, on verra bien !« .
Du coup, à première vue, le fait de douter pour une femme est plutôt un frein ou du moins, un sentiment qui démontre une faiblesse dans l’estime de soi. Mais là est mon propos principal (oui après 15000 mots, c’est bien d’en arriver au fait!) : tout comme beaucoup de caractéristiques dans la vie, il faut s’efforcer s’y voir le côté positif.
(J’ai absolument le même avis sur le tempérament des gens « calmes » que l’on prend trop facilement pour de la timidité. Si ça vous intéresse, Victoria avait fait un chouette article sur le sujet).
De la même manière, quand on arrive à maîtriser sa part de doute, cela a bien des côtés positifs que l’on sous-estiment. L’article du Flow présente très justement un des aspects bénéfiques du doute : les gens qui doutent sont souvent ceux qui se remettent le plus facilement en question, ceux qui travaillent et apprennent le plus durs et ceux qui sont généralement les plus « humbles » sur le résultat de leur travail. Alors oui, le doute m’empêche de participer activement à la conversation ou d’oser certaines choses et c’est bien dommage. Mais il me permettra d’approfondir plus largement la question, d’avoir d’autres opportunités et d’acquérir sans doute plus de connaissances.
C’est l’exemple de Van Gogh, grand habitué au doute, que met en avant l’auteur de l’article du Flow. Alors que c’est un peintre reconnu même de son vivant et désormais parmi les plus célèbres, il a toujours douté de ses capacités et de la valeur de ses peintures. Au début, j’ai eu le réflexe habituel de dire que c’était dommage qu’il n’est pas eu plus confiance en son talent, vu justement le talent qu’il avait. Mais finalement, il est peut-être un peintre fantastique justement parce qu’il doutait d’en être un.
Le doute, c’est pas toujours négatif. Ca nous pousse à travailler plus, à se remettre en question et à rester humble.
Mais il faut quand même poser des limites aux doutes. Une limite de contenu d’abord : douter sur les choses quotidiennes de la vie n’est pas vraiment productif et conduit à se reposer constamment sur les autres pour choisir. Douter, ce n’est pas être indécis constamment. Et une limite d’intensité ensuite : douter jusqu’à en être paralysé est forcément néfaste. Le doute n’a de bénéfices que s’il nous pousse à nous dépasser, à nous questionner ou à prendre de la distance. Quand il bloque toute décision ou toute action, il est toxique.
Pour en revenir à ses différences hommes/femmes, il peut être vu comme handicapant d’être femme : plus sujet au doute, à la remise en question, à un questionnement de sa légitimité… C’est évident que c’est frein et je suis même sûre que cela explique en partie le manque de femme dans les postes à responsabilité ou en politique. Pourtant, encore une fois, on peut y trouver du positif. Quitte à faire avec une construction sociale défavorable à notre confiance en soi, c’est aussi un privilège que de ne pas estimer ses compétences ou connaissances comme acquises ou supérieures à celles des autres. Si je pense que c’est bien sûr un sentiment contre lequel on doit lutter et surtout éduquer différemment les générations à venir, je crois aussi que c’est une force qui peut nous servir.
Après tout, Van Gogh disait bien « si tu doutes d’être peintre, peins toute ta vie et tu le deviendras« .
Vous doutez vous aussi ?
Cet article tombe à pic pour la saison du bac philo
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Arghhhhh ça fait 4 fois que j’essaie de poster mon com’ mais seule la première phrase est publiée !! Je pense qu’il est trop long!